C E D R E G I

Logique et clarté, et donc ample simplification du code pénal et du code de procédure pénale du CIC 1983, sont les maîtres-mots du projet. La partie pénale du code de 1983, comme de celui de 1917, est confuse, embrouillée et presque incompréhensible pour les praticiens que sont les Officiaux et les membres des Tribunaux inférieurs. Un Code canonique n’est pas fait pour des professeurs désireux d’écrire des thèses savantes, mais pour des évêques et des prêtres qui ont besoin de données claires et accessibles en matière juridique. Il est notoire que les évêques – qui ont éventuellement à infliger des peines – sont très ignorants en droit canonique, et ce n’est pas leur manquer de respect que de l’écrire. Quant aux Officiaux, ils connaissent le droit matrimonial mais pour le reste : droit administratif, droit sacramentel, droit liturgique, droit pénal, leur savoir est malheureusement limité.

Il faut donc – en concertation avec de vrais spécialistes-praticiens – mettre de l’ordre, de la logique, de la clarté dans les lois et dans les termes juridiques. Le projet ici défendu n’a évidemment pas la prétention d’être parfait, il a toutefois la prétention d’apporter un peu d’ordre et de clarté dans le droit pénal, même si cet ordre et cette clarté doivent aboutir à une refonte complète de ce droit. Pourquoi l’Eglise ne ferait-elle pas ce que font tous les Etats, qui révisent régulièrement leur législation et n’hésitent pas à supprimer des textes pour les remplacer par d’autres, le problème de la numérotation des articles des différents codes étatiques étant par ailleurs un problème tout à fait mineur et résolu parfaitement dans ces codes ?

On voudra bien trouver maintenant un projet de plan du code pénal réformé, qui sera suivi d’un certain nombre d’explications et de précisions.


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DES  DÉLITS  ET  DES  PEINES

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Introduction : C. 1341 La conception que l’Eglise a de la peine et de la procédure pénale

                     Les droits du présumé coupable et de la victime



PREMIÈRE  PARTIE


LES  DÉLITS  ET  LES  PEINES  EN  GÉNÉRAL



Titre I.  L’auteur et le sujet de la loi pénale

Titre II.  La prévention des délits

Titre III. Les peines

  1. Les interdits

  2. L’interdit majeur : l’excommunication


Titre IV. La procédure pénale

  1. L’enquête préalable

  2. Le décret extrajudiciaire

  3. Le procès judiciaire


Titre V.  L’application et la cessation des peines

  1. L’application des peines

  2. La cessation des peines


Titre VI. L’action en réparation des dommages



DEUXIÈME  PARTIE


LES  PEINES  POUR  DES  DÉLITS  PARTICULIERS



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INTRODUCTION


A. Le c. 1341 expose avec clarté la conception que l’Eglise a de la peine et de la procédure pénale :


« L’Ordinaire aura soin de n’entamer aucune procédure judiciaire ou administrative en vue d’infliger ou de déclarer une peine que s’il est assuré que la correction fraternelle, la réprimande ou les autres moyens de sa sollicitude pastorale ne peuvent suffisamment réparer le scandale, rétablir la justice, amender le coupable ».


La peine a donc pour but :


1. de réparer un scandale ;

2. de rétablir la justice ;

3. d’amender le coupable.


Elle doit donc être prévue, ou être prononcée, en tenant compte de chacune de ces finalités.


Auparavant, l’Ordinaire devra s’assurer que


1. la correction fraternelle ;

2. la réprimande ;

3. les autres moyens de sa sollicitude pastorale

ont échoué et qu’il lui faut envisager – mais seulement après ces tentatives – d’infliger une peine.


B. Un aspect essentiel de la réforme du code pénal et du code de procédure pénale de l’Eglise réside dans le respect plus affirmé


1. du droit de la défense du présumé coupable ;

2. du droit à la justice de la victime.


Le droit de la victime postule, entre autres, la réforme des règles de la prescription, surtout lorsque celle-ci est acquise par le présumé coupable en raison de l’inertie de l’autorité ecclésiastique.



PREMIÈRE  PARTIE


LES  DÉLITS  ET  LES  PEINES  EN  GÉNÉRAL


TITRE I.  L’AUTEUR  ET  LE  SUJET  DE  LA  LOI  PÉNALE


A. L’auteur de la loi pénale


1. Canon 1315 § 2 : « La loi peut elle-même déterminer la peine ou laisser cette détermination à l’appréciation prudente du juge ».


La deuxième partie de ce texte, dont l’intention était sans doute pastorale, permet toutes les dérives et doit être supprimée. Elle est à comparer avec les articles 111-2 et 113-3 du code pénal français :


« Art. 111-2 : La loi détermine les crimes et délits et fixe les peines applicables à leurs auteurs.

Le règlement détermine les contraventions et fixe, dans les limites et selon les distinctions établies par la loi, les peines applicables aux contrevenants.


Art. 111-3. Nul ne peut être puni pour un crime ou pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi, ou pour une contravention dont les éléments ne sont pas définis par le règlement.


Nul ne peut être puni d’une peine qui n’est pas prévue par la loi, si l’infraction est un crime ou un délit, ou par le règlement, si l’infraction est une contravention ».


2. Canon 1319 § 2 : « Un précepte pénal ne sera pas porté sans que l’affaire n’ait été mûrement pesée […] ».


Voir les remarques du Titre IV du présent projet sur la procédure pénale. L’affaire n’est « mûrement pesée » que si les droits de la défense ont été respectés, en premier lieu le droit, pour le présumé coupable, de connaître le contenu de l’accusation et le nom des accusateurs.


B. Le sujet de la loi pénale


1. Canon 1324 § 1 : en certains cas, « une pénitence doit être substituée (à la peine) ». Voir Titre II du projet, Les peines, où il est proposé de supprimer les « pénitences ».


2. Canon 1328 § 2. Voir TITRE II du projet, où il est proposé de supprimer le « remède pénal » et encore plus la « juste peine ».


TITRE II.  LA  PRÉVENTION  DES  DÉLITS


Puisqu’il vaut mieux prévenir que guérir, il est logique de réfléchir sur la prévention des délits avant d’envisager les peines.


1. Selon le canon 1312 § 3, les remèdes pénaux sont surtout employés pour prévenir les délits. Aucune définition du remède pénal n’est cependant donnée dans le code en vigueur, qui se contente de parler de monition et de réprimande. Le code de 1917, lui, énumérait, en son canon 2306, quatre remèdes pénaux, sans les définir non plus : la monition, l’avertissement (correptio), le précepte et la vigilance, qui en fait, comme ceux du code actuel, ne sont pas des « remèdes » puisque le délit n’a pas encore été commis (c. 2307-2311 CIC 1917 ; c. 1339 § 1 et 2 CIC 1983). Le « remède pénal » du CIC 1983 devrait être supprimé, d’autant que « la correction fraternelle, la réprimande ou les autres moyens de la sollicitude pastorale (de l’Ordinaire) » (c. 1341 CIC 1983) en remplacent de façon plus humaine le terme et le contenu.


2. Selon les canons 1312 § 3 et 1340 § 1 et 3, les pénitences sont employées surtout pour remplacer une peine ou l’augmenter. Voir plus haut (Titre I, A, du projet) les remarques sur le canon 1315 § 2 concernant les dérives possibles de « l’appréciation prudente du juge » à propos de la détermination de la peine.


De plus, les « pénitences » n’ont rien à voir avec la prévention des délits telle que l’envisage le projet présent de réforme du code.






TITRE III.  LES  PEINES


Les peines prévues au Titre IV du code actuel, « Les peines et les autres punitions » sont l’objet des canons les plus compliqués de la législation pénale de l’Eglise et demandent donc une réforme radicale sur ce point.


Le titre IV du CIC 1983 énumère : 1° les censures, qui comprennent l’excommu-nication, l’interdit, la suspense ; 2° les peines expiatoires ; 3° les remèdes pénaux et les pénitences. Il a déjà été question des remèdes pénaux et des pénitences (cf. plus haut, Titre II du projet, la prévention des délits) et il est inutile de revenir sur le sujet.


Si l’on regarde maintenant la deuxième partie du Livre VI du code actuel, qui porte sur les peines pour des délits particuliers (c. 1364-1399), on constate que les peines encourues sont l’excommunication, le renvoi de l’état clérical, « une juste peine », une censure, « une juste peine » (à nouveau et dans de très nombreux cas), l’interdit, l’interdit (à nouveau et dans de nombreux cas), interdit ou suspense, censure ou « juste peine », punition suivant la gravité du délit (c. 1388 § 1), privation de l’office, suspense (à nouveau et dans de nombreux cas), punition suivant la gravité du délit (c. 1392), interdit latae sententiae, privation de la charge.


Or, à l’excommunié, il est défendu d’avoir telle ou telle activité ; à l’interdit, il est défendu d’avoir certaines activités dont il est question au c. 1331 sur l’excommunication ; au suspens, il est interdit de faire tel ou tel acte ; à ceux qui ont encouru une peine expiatoire, il est interdit d’accomplir telle ou telle action. Bref, toutes ces peines se ramènent à des interdictions, la privation d’un office, par exemple, se ramenant à une interdiction d’exercer cet office.


Par ailleurs, si l’on se réfère à l’esprit du c. 1341 (cf. plus haut : Introduction du projet), on voit clairement le but de la peine, de chaque peine : réparer un scandale, rétablir la justice, amender le coupable. Que celui-ci soit frappé par une censure, un interdit, une suspense, une « juste peine », c’est toujours en vue de réparer un scandale, de rétablir la justice et d’amender le coupable, et peu importe – si tant est que le coupable comprenne les termes juridiques de la loi pénale de l’Eglise – la catégorie canonique de la sanction, celle-ci revient toujours à une interdiction.


Il serait si bénéfique de tout simplifier et de distinguer seulement deux sortes de peines : l’interdit et l’interdit majeur qu’est l’excommunication ! A l’intérieur de l’interdit pourraient prendre place des interdictions spécifiques, à la dénomination claire (par exemple, interdiction de célébrer la messe), avec la suppression totale de la « juste peine », symbole contre lequel se prémunissent tous les codes étatiques.


Certes ce changement radical demanderait un réel travail, mais celui-ci est réellement possible.


TITRE IV.  LA  PROCÉDURE  PÉNALE


La procédure pénale canonique se développe sur trois plans dont le premier, l’enquête préalable, aboutit soit à un décret extrajudiciaire, soit à un procès pénal.


Le projet ici présenté ne peut que faire quelques remarques, qui seront à développer le cas échéant.





1. L’enquête préalable


Selon le canon 1717 § 1 actuel, « chaque fois que l’Ordinaire a connaissance, au moins vraisemblable, d’un délit, il fera par lui-même ou par une personne idoine, une enquête prudente portant sur les faits, les circonstances et l’imputabilité des faits, à moins que cette enquête ne paraisse totalement superflue ».


Cette « enquête prudente » se fait trop souvent en violation totale des droits de la défense.


Toutes proportions gardées et compte de la bonne foi présumée des ecclésiastiques chargés de « l’enquête prudente », qui cependant n’ont, pour beaucoup d’entre eux, qu’une idée vague, sinon erronée, de la Justice de l’Eglise, « l’enquête prudente » fait penser en certains cas – dont l’auteur de ces remarques pourrait témoigner – aux interrogatoires pratiqués dans le goulag chinois et que raconte Jean-Luc Domenach dans son livre « Chine : l’archipel oublié » (Fayard 1962, p. 169). : « Le principe de la procédure est […] que le prévenu doit ignorer l’accusation qui pèse sur lui, et même son accusateur ».


Un principe essentiel du droit de la défense, souvent mis en avant dans les causes de déclaration de nullité de mariage, est que l’accusé ou le coupable présumé doit : 1. connaître le contenu de l’accusation portée contre lui, 2. le nom de son ou ses accusateurs (cf. plus haut, Titre I, A, 2 du projet). Il est inadmissible que la notification à l’accusé de l’accusation et des preuves, ainsi que l’indication de la possibilité pour l’accusé de se défendre, ne soient prescrites par le Code qu’après l’enquête préalable (cf. c. 1720, 1°).


De jure condendo, il est impératif que le c. 1717 § 1 indique l’obligation, sous peine de nullité de l’enquête et de sanction pour l’Ordinaire, de communiquer à l’accusé le contenu de l’accusation et le nom de son ou ses accusateurs.


2. Le décret extrajudiciaire


Si, après l’enquête préalable, l’Ordinaire « constate avec certitude la réalité du délit, et si l’action criminelle n’est pas éteinte, il portera un décret » et le c. 1720 § 3 ajoute à juste titre cette prescription… « en y exposant, au moins brièvement, les attendus en droit et en fait », conformément d’ailleurs aux canons 37 et 51 sur les décrets particuliers.


Il serait hautement souhaitable que ce décret extrajudiciaire, à l’instar d’une sentence de 1° instance dans un procès matrimonial (Dignitas Connubii, art. 257 § 2), indique à l’intéressé la possibilité d’un appel et les modalités de cet appel.


3. Le procès judiciaire


Aucune remarque particulière, pour le moment.


TITRE V.  L’APPLICATION  ET  LA  CESSATION  DES  PEINES


1. L’application des peines


Aucune remarque particulière, pour le moment.


2. La cessation des peines


Le problème essentiel, dans le Titre VI du CIC 1983 consacré à la cessation des peines, est celui de la prescription. Certes on peut approuver le commentaire de l’Université de Navarre sur le canon 1362 § 2 : « L’action criminelle est prescrite par une disposition de la loi, qui considère que l’application de la peine est inutile quand le délai est écoulé », mais à condition que ce délai ne soit pas injustement court, et également qu’on n’oublie pas les droits de la victime.


 a. Le délai injustement court


Certains abus de pouvoir d’ecclésiastiques, qui se sont poursuivis pendant de longues années par exemple – et des cas peuvent être cités – sont prescrits au bout de trois ans. Or, pendant ces trois ans, la victime, ignorante évidemment des règles et des possibilités du droit pénal, a certes alerté l’autorité ecclésiastique, a même porté plainte (pour employer une expression comprise partout en France), mais elle s’est heurtée à l’inertie de ces autorités, qui parfois même ont prétendu ne rien pouvoir faire. Après de longues années encore, la victime a réussi à obtenir de l’autorité hiérarchique un procès pénal, vite tranché par le juge en raison de la prescription des faits.


 b. Le droit de la victime


La victime a le droit à une réparation des dommages qu’elle a subis par suite du délit (cf. canon 1729 § 1), mais que peut-elle faire lorsqu’elle demande légitimement une réparation morale, par la reconnaissance publique qu’elle a subi des dommages moraux, mais que le délit est prescrit, surtout lorsqu’il est prescrit par suite de la lenteur ou de la mauvaise volonté des autorités ecclésiastiques ?


Ces deux questions : délais de la prescription et droit de la victime sont à étudier sérieusement. Faut-il faire commencer la prescription à partir du jour où le délit a été dénoncé à l’autorité compétente ? Faut-il élargir la notion de délit permanent, ou de délit habituel ? Comment accorder à la victime une réparation morale des dommages qu’elle a subis ? Autant de problèmes où la justice, la charité, le respect de la personne, et aussi le bien de l’Eglise sont en cause. L’auteur du présent projet est prêt à participer à une réflexion approfondie sur ces points.


Titre VI.  L’ACTION  EN  RÉPARATION  DES  DOMMAGES


Voir remarques ci-dessus.


DEUXIÈME  PARTIE


LES  PEINES  POUR  DES  DÉLITS  PARTICULIERS


Non étudiée pour le moment.





Arras, le 18 novembre 2010





Jacques Gressier


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Conception site : pierrezeiher@sfr.fr                                                                                                               Mise à jour  23 mars 2013



Abbé Jacques Gressier

18 rue du Marché-au-Filé

62000 ARRAS

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PRÉSENTATION  D’UN  PROJET

DE  RÉFORME  DU  CODE  DE  DROIT  CANONIQUE

SUR  LES  QUESTIONS

DES  DÉLITS  ET  DES  PEINES

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Le projet que je soumets à Mgr le Président du Conseil Pontifical pour l’interprétation des textes législatifs est une refonte complète, dans le Code de Droit canonique en vigueur, du livre VI, « Les sanctions dans l’Eglise », et de la 4° Partie du Livre VII sur les procès, consacrée au procès pénal.


Les motifs et les principes essentiels de ce projet seront tout d’abord exposés, suivis du plan d’une présentation générale d’un code pénal et d’une procédure pénale renouvelés.


Toutefois ce travail sera, pour le moment, volontairement restreint à quelques points importants. Il serait vain en effet de consacrer beaucoup de temps à un exposé complet si le projet ici présenté dans ses grandes lignes n’était pas retenu par le Conseil Pontifical comme un élément, parmi d’autres, de sa réflexion sur la réforme du Droit Canonique. En cas d’accueil favorable par contre, une étude plus large et approfondie sera engagée.


Quelle que soit la décision du Conseil Pontifical, je prie celui-ci de considérer ce projet comme une contribution désintéressée, apportée de grand cœur à la réforme envisagée du Code de Droit Canonique.


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