C E D R E G I
Pour traiter du problème du sacerdoce ministériel et du sacerdoce des laïcs, il existe évidemment plusieurs manières. On peut aborder la question en exégète, ou en théologien, ou en canoniste ou même simplement en mystique. Ces quatre voies seront utilisées ici, dans un exposé divisé en deux grandes parties.
Dans un premier temps seront rappelés les textes essentiels de l’enseignement de
l’Église, tant ceux de l’Écriture : Ancien et Nouveau Testament, que ceux de la Tradition :
conciles, encycliques et lettres des Papes. La seconde partie pourra alors tenter
de présenter la façon dont cet enseignement de l’Église, et surtout, bien sûr, celui
de Vatican II, est traduit dans le code de droit canonique entré en vigueur en 1983.
Évidemment, un code de lois, fût-
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PREMIÈRE PARTIE. L’ÉCRITURE ET LA TRADITION
Puisque les deux sources de la révélation sont l’Écriture et la Tradition, ce sont à elles que bien évidemment un chrétien va s’adresser pour connaître et comprendre le sacerdoce ministériel et le sacerdoce des laïcs.
I. L’ÉCRITURE
A. L’Ancien Testament
Deux textes sont à relever.
1) Le premier est tiré du livre de l’Exode (Ex 19/6). Arrivés au Sinaï après leur sortie d’Égypte, « les enfants d’Israël … campèrent dans ce désert. Israël établit là son camp, en face de la montagne. Moïse alors monta vers Dieu. Yahvé l’appela de la montagne et lui dit : ‘Voici en quels termes tu parleras à la maison de Jacob : … Désormais, si vous m’obéissez et respectez mon alliance, je vous tiendrai pour miens parmi tous les peuples … Je vous tiendrai pour un royaume de prêtres et une nation consacrée’. »
2) Le second texte est un passage du livre d’Isaïe (Is 61/6). « L’esprit du Seigneur Yahvé est sur moi, car Yahvé m’a oint. Il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres … annoncer une année de grâce de la part de Yahvé … Et vous, vous serez appelés ‘prêtres de Yahvé’, on vous nommera ministres de notre Dieu ».
Le sacerdoce commun des enfants d’Israël s’étend, dans le Nouveau Testament, à tous les fidèles du Christ.
B. Le Nouveau Testament
1) Saint Pierre, dans sa première épître (1P 2/5, 9), déclare à l’adresse des
chrétiens : « Approchez-
2) Saint Jean, dans l’Apocalypse, fait connaître aux sept Églises d’Asie la « révélation
de Jésus-
II. LA TRADITION
Il faut bien reconnaître, lorsqu’on aborde la Tradition, que le magistère de l’Église ne s’est guère penché sur les problèmes propres des laïcs avant le 2° concile du Vatican. Il y a à cela de multiples raisons, qui tiennent à l’histoire, et qu’il n’est pas possible ni utile de développer ici.
1) Le concile de Trente (1545-
2) Le premier concile du Vatican, on le sait, n’a pas eu le temps, en raison de la guerre de 1870, de terminer ses travaux. La Constitution dogmatique sur l’Église du Christ s’est donc limitée par la force des choses au primat du Pontife Romain et à son infaillibilité. Elle n’a rien dit sur les laïcs.
3) L’encyclique sur le sacerdoce catholique, du Pape Pie XI, en date du 20 décembre
1935, qui est un texte admirable sur le prêtre « autre Christ », « qui continue en
quelque manière Jésus-
4) Le second concile du Vatican, par contre, a longuement et à maintes occasions évoqué le sacerdoce ministériel et le sacerdoce des fidèles. Quelques textes essentiels sont à citer :
a -
b -
b -
c -
Mais le même Seigneur, voulant faire des chrétiens un seul corps, où tous les membres n’ont pas la même fonction (Ro 12/4), a établi parmi eux des ministres qui, dans la communauté des chrétiens, seraient investis par l’Ordre du pouvoir sacré d’offrir le Sacrifice et de remettre les péchés, et y exerceraient publiquement pour les hommes la fonction sacerdotale » (n° 2).
5) Après le Synode de 1971, le Pape Paul VI a publié un document intitulé « De sacerdotio ministeriali » (Le sacerdoce ministériel).
6) A l’occasion du Jeudi Saint de 1979, le Pape Jean-
7) L’exhortation sur la famille, « Familiaris consortio », du Pape Jean-
8) Enfin le Code de 1983 apporte, selon son mode propre, sa contribution à la présentation et à la mise en œuvre du sacerdoce ministériel et du sacerdoce des laïcs.
Avant toutefois d’ouvrir le Code, il est bon de relire certains passages de la lettre
de Jean-
« Lorsqu’on analyse avec attention les textes conciliaires, il apparaît clairement qu’il faut parler d’une triple dimension du service et de la mission du Christ plutôt que de trois fonctions différentes… C’est de cette triple unité que découle notre participation à la mission et à la fonction du Christ…
Le sacerdoce auquel nous participons par le sacrement de l’Ordre, qui a été imprimé
à jamais dans nos âmes par un signe particulier de Dieu, le caractère, est en relation
explicite avec le sacerdoce commun des fidèles, c’est-
Le sacrement de l’Ordre, pour nous spécifique, fruit de la grâce particulière de la vocation et fondement de notre identité, … sert à rendre les fidèles conscients de leur sacerdoce commun et à leur permettre de l’exercer…
Notre sacerdoce sacramentel est donc à la fois hiérarchique et ministériel. Il constitue
un ministerium particulier, c’est-
En promulguant le Code quelques années plus tard, le 25 janvier 1983, Jean-
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DEUXIÈME PARTIE
LA TRADUCTION CANONIQUE DE L’ENSEIGNEMENT DE VATICAN II : LE CODE
Comme l’indique le Pape Jean-
Dans un premier temps consacré aux prescriptions juridiques du Code, chacune de ces trois fonctions sera examinée, avec tout d’abord la présentation des principes qui la régissent, puis l’énumération des principales réalisations concrètes de ces principes, plus spécialement en ce qui concerne les laïcs.
Il faudra cependant dans un second temps remonter vers l’au-
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I. LES PRESCRIPTIONS JURIDIQUES DU CODE
§ 1. La fonction sacerdotale du Christ = La fonction de sanctification de l’Église (Livre IV).
Comme l’indique le c. 834 § 1, « l’Église remplit sa fonction de sanctification d’une
manière particulière par la sainte liturgie qui, en vérité, est considérée comme
l’exercice de la fonction sacerdotale de Jésus-
Le c. 836 ajoute plus loin que « … le culte chrétien, dans lequel s’exerce le sacerdoce commun des fidèles, est une œuvre qui procède de la foi et s’appuie sur elle… »
A. Les principes
1) Les ministres sacrés
« La fonction de sanctification est exercée avant tout par les Évêques, qui sont les grands prêtres, les principaux dispensateurs des mystères de Dieu et, dans l’Église qui leur est confiée, les modérateurs, les promoteurs et les gardiens de toute la vie liturgique » (c. 835 § 1).
« Les prêtres, eux aussi, exercent cette fonction, car participant eux-
2) Les autres fidèles
« Les autres fidèles ont aussi leur part propre à la fonction de sanctification, en participant activement, selon leur manière propre, aux célébrations liturgiques et surtout à la célébration eucharistique ; les parents participent à cette même fonction de façon particulière, en vivant leur vie conjugale dans un esprit chrétien et en donnant une éducation chrétienne à leurs enfants » (c. 835 § 4).
Note : les évêques et les prêtres exercent la fonction de sanctification, les fidèles y participent.
B. Principales réalisations concrètes, spécialement pour les laïcs
1) Participation active des fidèles aux actions liturgiques (c. 837 § 2).
2) « Les pasteurs d’âmes et les autres fidèles, chacun selon sa fonction ecclésiastique, ont le devoir de veiller à ce que les personnes qui demandent les sacrements soient préparées à les recevoir par l’évangélisation voulue et la formation catéchétique, en observant les règles établies par l’autorité compétente » (c. 843 § 2).
3) Les parents ont le devoir de faire baptiser leurs enfants dès les premières semaines (c. 867 § 1), de « veiller à ce que les enfants qui sont parvenus à l’âge de raison soient préparés » à recevoir d’Eucharistie, « après avoir fait une confession sacramentelle » (c. 914) ainsi qu’à recevoir la confirmation
4) Les c. 872, 874 concernent les parrains de baptême, le c. 892 vise les parrains de confirmation (on ne peut donner ici toutes les règles en détail…).
5) A propos du mariage, le c. 1063 édicte que « les pasteurs d’âmes sont tenus par l’obligation de veiller à ce que leur propre communauté d’Église fournisse aux fidèles son assistance pour que l’état de mariage soit gardé dans l’esprit chrétien et progresse dans la perfection », ceci par la prédication, la catéchèse, l’aide apportée aux époux etc…
6) Etc., etc.
§ 2. La fonction prophétique du Christ = La fonction d’enseignement de l’Église (Livre III)
C’est à Lumen Gentium qu’il faut ici recourir : « Le Christ, qui par le témoignage de sa vie et la puissance de sa parole a proclamé le royaume du Père, accomplit sa fonction prophétique jusqu’à la pleine manifestation de sa gloire, non seulement par la hiérarchie qui enseigne en son nom et avec son pouvoir, mais aussi par les laïcs dont il fait pour cela également des témoins en les pourvoyant du sens de la foi et de la grâce de la parole » (n° 35).
A. Les principes
Les ministres sacrés : Pape, évêques, prêtres ont pour mission propre l’enseignement, tandis que les laïcs peuvent coopérer avec eux dans l’exercice du ministère de la parole.
1) Les ministres sacrés
a -
b -
c -
2) Les autres fidèles
« Les laïcs, en vertu du baptême et de la confirmation, sont par la parole et par l’exemple de leur vie chrétienne témoins du message évangélique ; ils peuvent être aussi appelés à coopérer avec l’Evêque et les prêtres dans l’exercice du ministère de la parole » (c. 759).
B. Principales réalisations concrètes, spécialement pour les laïcs
1) « Les laïcs peuvent être admis à prêcher dans une église ou un oratoire si le besoin le requiert en certaines circonstances ou si l’utilité le suggère dans des cas particuliers, selon les dispositions de la conférence des Évêques et restant sauf le c. 767 § 1 » (c. 766).
Le c. 767 § 1 réserve l’homélie aux seuls prêtres et diacres.
2) La catéchèse
a -
b -
c -
3) L’œuvre missionnaire de l’Église
a -
b -
c -
4) Les moyens de communication (cités pour mémoire, c. 822-
5) Les écoles, etc.
§ 3. La fonction royale du Christ = La fonction de gouvernement dans l’Église
Il n’y a pas, comme pour la fonction de sanctification et la fonction d’enseignement de l’Église, un livre spécial du code pour la fonction de gouvernement. Les canons sont dispersés à travers tout le code, car la juridiction dans l’Église n’est pas un but en soi, elle s’accomplit par et dans de multiples actions, y compris celles de sanctification et d’enseignement.
Il y a cependant, à l’intérieur du Livre I sur les normes générales, un titre consacré au pouvoir de gouvernement (titre VIII).
A. Les principes
1) Les ministres sacrés
« Au pouvoir de gouvernement, qui dans l’Église est vraiment d’institution divine et est encore appelé pouvoir de juridiction, sont aptes, selon les dispositions du droit, ceux qui ont reçu l’ordre sacré » (c. 129 § 1).
2) Les fidèles laïcs
« A l’exercice de ce pouvoir, les fidèles laïcs peuvent coopérer selon le droit » (c. 129 § 2).
Note : ce canon so
ulève la question du rapport entre le sacrement de l’ordre et la juridiction : tout
pouvoir de gouvernement suppose-
B. Principales réalisations concrètes, spécialement pour les laïcs
1) L’admission des laïcs aux offices et charges ecclésiastiques
« Les laïcs reconnus idoines ont capacité à être admis par les pasteurs sacrés à des offices et charges ecclésiastiques » (c. 228 § 1).
a -
Canon 145 § 1 : « Un office ecclésiastique est toute charge constituée de façon stable par disposition divine ou ecclésiastique pour être exercée en vue d’une fin spirituelle ».
b -
Canon 150 : « Un office comportant pleine charge d’âmes, dont l’accomplissement requiert l’exercice de l’ordre sacerdotal, ne peut être validement attribué à qui n’est pas encore revêtu du sacerdoce ».
« Si, à cause de la pénurie de prêtres, l’Evêque diocésain croit devoir confier à un diacre ou à une autre personne non revêtue du caractère sacerdotal, ou encore à une communauté de personnes, une participation à l’exercice de la charge pastorale d’une paroisse, il constituera un prêtre qui, muni des pouvoirs et facultés du curé, sera le modérateur de la charge pastorale » (c. 517 § 2).
2) La place des laïcs dans les conseils :
a -
b -
3) Les fidèles ont le droit et le devoir de manifester leur opinion en ce qui concerne le bien de l’Église (c. 228 § 2).
4) Etc., etc.
II. L’AU-
Dans la Constitution Apostolique « Sacrae Disciplinae Leges » qui promulguait le
Code, le Pape Jean-
Les prescriptions juridiques du Code risquent à la longue, si l’on n’y prend garde, de faire oublier l’essentiel qui est la foi, la grâce et les charismes dans la vie de l’Église ou des fidèles. Il y a certes une technique juridique, il y a certes un esprit canonique, et cette technique et cet esprit sont indispensables pour une bonne lecture du Code. Cependant le droit n’est qu’un serviteur, un auxiliaire et c’est pourquoi le canoniste doit souvent, après avoir plongé la tête dans les canons du Code, redire avec le psaume 123 : « Vers toi j’ai les yeux levés, qui te tiens au ciel ; les voici comme des yeux d’esclaves vers la main de leur maître », ou plutôt, puisque nous sommes dans la Nouvelle Alliance : « les voici comme des yeux de fils vers la main de leur Père ».
Levant les yeux vers Dieu après avoir eux aussi pris connaissance des prescriptions
juridiques du Code, les laïcs, plus particulièrement, méditeront les richesses de
leur vocation sacerdotale commune. Comme le dit la Constitution conciliaire Lumen
Gentium : « Toutes leurs activités, leurs prières et leurs entreprises apostoliques,
leur vie conjugale et familiale, leurs labeurs quotidiens, leurs détentes d’esprit
et de corps, s’ils sont vécus dans l’Esprit de Dieu, et même les épreuves de la vie,
pourvu qu’elles soient patiemment supportées, tout cela devient ‘offrandes spirituelles,
agréables à Dieu par Jésus-
Le grand théologien orthodoxe Paul Evdokimov, dans son livre « L’art de l’icône –
Théologie de la beauté » (Desclée de Brouwer, 1972), a des accents mystiques pour
célébrer la vocation de l’homme (nous pourrions peut-
Le savant, le penseur, l’artiste, le réformateur social pourront retrouver les charismes du Sacerdoce Royal et, chacun dans son domaine, en ‘prêtre’, faire de sa recherche une œuvre sacerdotale, un ‘sacrement’ transformant toute forme de culture en lieu ‘théophanique’ : chanter le Nom de Dieu au moyen de la science, de la pensée, de l’action sociale ou de l’art… (p. 63).
Dans l’éternelle liturgie du siècle futur, l’homme, par tous les éléments de la culture,
passés au feu des purifications ultimes, chantera la gloire de son Seigneur. Mais
déjà, ici-
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Jacques GRESSIER
SACERDOCE MINISTÉRIEL ET SACERDOCE DES LAICS
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Lorsqu’on parle du sacerdoce ministériel et du sacerdoce des laïcs, il importe, avant tout développement, de considérer la vocation commune baptismale des chrétiens. Les Christifideles, comme dit le code de droit canonique, les fidèles du Christ ont tous reçu le même baptême, ce baptême qui est, selon la définition qu’en donne le c. 849, « porte des sacrements, nécessaire au salut, qu’il soit reçu en fait ou du moins désiré, par lequel les êtres humains sont délivrés de leurs péchés, régénérés en enfants de Dieu, configurés au Christ par un caractère indélébile et incorporés à l’Église ». Dès lors qu’ils sont baptisés, les chrétiens ont une vocation commune, que décrit le c. 204 § 1 : « Les fidèles du Christ sont ceux qui, en tant qu’incorporés au Christ par le baptême, sont constitués en peuple de Dieu et qui, pour cette raison, faits participants à leur manière à la fonction sacerdotale, prophétique et royale du Christ, sont appelés à exercer, chacun selon sa condition propre, la mission que Dieu a confiée à l’Église pour qu’elle l’accomplisse dans le monde ».
Si tous les chrétiens ont une mission commune baptismale, ils ne l’exercent cependant pas de la même manière, et c’est ici qu’il faut bien voir la distinction essentielle, que rappelle le c. 207 § 1 : « Par institution divine, il y a dans l’Église, parmi les fidèles, les ministres sacrés qui en droit sont appelés clercs, et les autres qui sont laïcs ».
(Note : Qu’il soit permis ici d’apporter encore une précision. Le c. 207 § 2 ajoute qu’ « il existe des fidèles appartenant à l’une et l’autre catégorie qui sont consacrés à Dieu à leur manière particulière » par des vœux ou « d’autres liens sacrés reconnus et approuvés par l’Église ». Il y a donc des clercs « consacrés » et d’autres qui ne le sont pas, des laïcs « consacrés » et d’autres qui ne le sont pas.)