C E D R E G I
PREMIÈRE PARTIE. LA PAROISSE
La paroisse est une communauté de fidèles, confiée à un curé, entouré de collaborateurs et aidé par des laïcs.
A. La communauté des fidèles
Selon le Code de Droit Canonique, la paroisse est une communauté précise (« certa communitas ») de fidèles.
1. Qu’est-
Sur nos paroisses vivent de nombreux baptisés, donc des fidèles du Christ. Ont-
Concrètement cela signifie que dans l’organisation et la réorganisation des paroisses, les règlements diocésains ne doivent pas d’abord, comme ils en donnent souvent l’impression, réformer un mode d’administration, changer des structures, multiplier les organismes intermédiaires, mais être au service de la constitution du Peuple de Dieu. Cette remarque sera sans aucun doute considérée par certains comme outrée et sans fondement, alors qu’elle s’appuie sur la réalité concrète de nombreux diocèses.
2. Les fidèles du Christ, dans la paroisse, « sont appelés à exercer, chacun selon sa condition propre, la mission que Dieu a confiée à l’Église ». Dans la paroisse en effet, selon la pensée de l’Église, exprimée dans l’outil d’évangélisation qu’est le Code de Droit Canonique, il y a un pasteur propre, le curé, qui agit sous l’autorité de l’Évêque. Il y a, comme collaborateurs de sa mission spécifique, d’autres prêtres et des diacres ; il y a également, apportant leur aide au pasteur, des laïcs, tous – prêtres, diacres, laïcs – apportant leur concours selon le droit.
Ce droit est le droit général de l’Église universelle, il est aussi le droit particulier
des Églises diocésaines, dont il faut évidemment tenir compte, mais il est clair
également que les lois promulguées par les évêques dans leurs diocèses ne peuvent
pas aller contre le droit commun de l’Église – « une loi contraire au droit supérieur
ne peut être validement portée par un législateur inférieur » (c. 135 § 2) -
B. Le curé
Le curé est « le pasteur propre de la paroisse » qui lui a été confiée. Certes il exerce son ministère sous l’autorité de son évêque, mais il n’est pas un salarié face à un patron, un employé ou un cadre face à un directeur général que serait son évêque. Il a une mission spécifique, il exerce des fonctions bien particulières au service de la paroisse dont il a été chargé, avec une liberté et une possibilité d’initiatives extrêmement larges.
Ces fonctions, ce sont celles d’enseigner, de sanctifier et de gouverner sa paroisse – avec la collaboration éventuelle de prêtres et l’aide de laïcs – et donc, en raison de leur caractère général et compte tenu aussi de la variété, de la complexité, des particularismes de chaque paroisse et de chacun des paroissiens qui la composent, il est impossible de dresser une liste exhaustive de toutes les modalités de leur exercice.
Le Code, pour sa part, en décrit quelques-
Il est le plus souvent inutile, si l’on observe également ce que les c. 530-
C. Les prêtres et diacres collaborateurs du curé
Ces prêtres peuvent être des « prêtres associés » (voir le droit particulier des
diocèses) ou des vicaires paroissiaux (c. 545-
D. L’aide apportée au curé par les laïcs
Si l’ancien code de droit canonique reconnaissait et organisait les associations
de fidèles en général (c. 684-
L’histoire montre sans peine qu’en fait de très nombreux fidèles apportaient leur
aide au curé : les catéchistes, les bénévoles de toute sorte pour l’entretien de
l’église ou pour les œuvres de la paroisse. Cependant, beaucoup plus important que
le droit de collaborer à l’activité de leur curé, les fidèles avaient un droit fondamental,
que leur reconnaissait le c. 682 du code alors en vigueur : « Les laïcs ont le droit
de recevoir des prêtres (a clero), selon la norme de la discipline ecclésiastique,
les biens spirituels et surtout les aides nécessaires au salut. » Le code de 1983,
issu du Concile Vatican II et de sa prise en compte des réalités de notre temps,
a évidemment consacré ce droit, mais il l’a intégré dans une déclaration quasi-
Tout d’abord, aux termes du c. 536 § 1, « si l’Évêque diocésain le juge opportun après avoir entendu le conseil presbytéral, un conseil pastoral sera constitué dans chaque paroisse, présidé par le curé, et dans lequel, en union avec ceux qui participent en raison de leur office à la charge pastorale de la paroisse, les fidèles apporteront leur concours pour favoriser l’activité pastorale. »
Le c. 536 § 2 précise que « le conseil pastoral ne possède que voix consultative et il est régi par les règles que l’Evêque diocésain aura établies ». Il semble toutefois que les conseils paroissiaux prévus par le Code n’existent plus, pratiquement, alors que se développent les « responsables de secteur pastoral », les « équipes locales d’animation », les « conseils pastoraux de secteur », dont les règles de fonctionnement sont souvent confuses et dont les liens avec le « conseil pastoral diocésain » posent des problèmes. Tout cela ne fait cependant pas l’objet de la présente étude, consacrée à la paroisse en tant que telle.
DEUXIEME PARTIE. LE REGROUPEMENT DES PAROISSES
Le manque de prêtres a depuis longtemps amené les évêques diocésains à confier plusieurs
paroisses à un même prêtre. L’ancien code reconnaissait cette pratique (c. 466, §
2) et le code actuel l’accepte également (c. 526 § 1). Cependant l’évolution de l’Église,
en France, a accéléré cette tendance jusqu’à un point critique obligeant à une refonte
de l’institution paroissiale : quand un prêtre est curé de 37 paroisses, ou même
de 10, sa fonction est à repenser et l’aide des laïcs – qui correspond à leur vocation
de fidèles du Christ – est à organiser canoniquement, c’est-
La réorganisation des paroisses, en France, se fait principalement sous deux formes, prévues par le Code de Droit Canonique : l’une est celle où plusieurs paroisses sont confiées solidairement à plusieurs prêtres, l’autre est celle de la fusion de plusieurs paroisses en une seule. Le rôle des prêtres en paroisse et l’aide apportée par les laïcs en sont fortement modifiés.
A. Les prêtres en paroisse
C. 517 § 1 : « Là où les circonstances l’exigent, la charge pastorale d’une paroisse
ou de plusieurs paroisses ensemble peut être confiée solidairement à plusieurs prêtres,
à la condition cependant (ea tamen lege, suivant cependant cette loi) que l’un d’eux
soit le modérateur de l’exercice de la charge pastorale, c’est-
Le terme de modérateur est trompeur pour un francophone. Le Code appelle « moderator » le supérieur d’un institut religieux, par exemple, ou le président d’une association de fidèles. Dans le c. 517 § 1 le Code précise la fonction du « moderator » des paroisses confiées solidairement à plusieurs prêtres : le modérateur est celui qui dirige. C’est le donneur d’ordres, le décideur, le chargé de direction des paroisses confiées solidairement à plusieurs prêtres. Bref, la véritable nature du modérateur, selon le c. 517 § 1, c’est d’être le « manager » de l’équipe sacerdotale chargée des paroisses en cause et des laïcs qui leur apportent leur aide.
Il est évident – selon la longue tradition de l’Église, guidée par Saint Benoît dans
sa règle de la vie monastique – que le modérateur doit, avant de décider, demander
l’avis des prêtres de son équipe et des laïcs qui leur apportent leur aide. D’ailleurs
le c. 543 § 1, en déclarant par exemple que dans le cas de paroisses confiées solidairement
à plusieurs prêtres, « chacun d’eux, selon le règlement qu’ils auront eux-
Il ne faudrait pas non plus que, par suite du refus pratique d’accepter l’entrée
de son ancienne paroisse dans un groupe de paroisses confiées solidairement à plusieurs
prêtres, l’ancien curé, qui fait partie désormais de la nouvelle équipe sacerdotale,
s’oppose au modérateur et que celui-
Enfin, ni le modérateur ni les prêtres de son équipe ne sont « curés » des paroisses qui leur sont confiées solidairement. Une paroisse n’a qu’un pasteur propre, son curé. Si donc la charge pastorale d’une ou de plusieurs paroisses est confiée solidairement à plusieurs prêtres, aucun d’entre eux n’est le pasteur propre – le curé – de cette unique paroisse ou de telle ou telle de ces paroisses, même pas le chargé de direction, le modérateur, puisque sa mission est commune avec ses confrères dans le cas de la paroisse unique, ou puisque sa mission s’étend à l’ensemble des paroisses confiées à l’équipe de prêtres dont il fait partie. C’est donc de façon erronée qu’on parle de « curés in solidum ». Il serait judicieux à cet égard que les nominations de prêtres, les annuaires et documents diocésains utilisent un vocabulaire exact.
C. 515 § 2 : « Il revient au seul Évêque diocésain d’ériger, de supprimer ou de modifier les paroisses », non sans avoir entendu au préalable le conseil presbytéral.
Lorsqu’on regarde, à travers les bulletins diocésains de France, à quel degré de complexité administrative est parvenue parfois la réorganisation des paroisses, on ne peut qu’admirer la simplicité de la règle du Code actuel : l’évêque décide, après avoir entendu le conseil presbytéral, la suppression des paroisses A, B, C, D et la création d’une nouvelle paroisse, N, qui se substitue à elles. Les paroisses A, B, C, D n’existent plus, elles n’ont plus ni curé, ni éventuellement de modérateur si elles étaient confiées solidairement à plusieurs prêtres, elles n’ont plus de conseil pastoral, plus de conseil économique. En revanche, la paroisse N devra avoir un curé, avec la collaboration éventuelle d’autres prêtres, ou un modérateur si la paroisse est confiée solidairement à plusieurs prêtres. Elle devra avoir, si l’Evêque diocésain le juge bon, un conseil pastoral, et de toute façon elle a l’obligation d’avoir un conseil économique. Canoniquement, tout est simple, selon le droit universel de l’Église, auquel doit se réadapter éventuellement le droit diocésain.
En pratique des difficultés surgissent, pour de multiples raisons, en particulier en ce qui concerne l’aide apportée par les laïcs.
B. L’aide apportée par les laïcs
Un contresens à propos des « Équipes d’Animation de la Paroisse »
Dans un diocèse français a été récemment promulguée une ordonnance sur la mise en place d’ « Équipes d’Animation de la Paroisse » (EAP), où le c. 517 § 2 n’est pas correctement interprété. Le canon 517 § 2 prévoit en effet que « si, à cause de la pénurie de prêtres, l’Évêque diocésain croit qu’une participation à l’exercice de la charge pastorale d’une paroisse doit être confiée […] à une communauté de personnes, il constituera un prêtre pour être, muni des pouvoirs et facultés du curé, le modérateur de la charge pastorale. »
L’ordonnance, de son côté, déclare que l’EAP est un groupe de fidèles « qui est appelé à participer à l’exercice de la charge pastorale, soit autour du curé, soit en lien avec un prêtre modérateur non résident (c. 517 § 2). »
D’une part la citation du c. 517 § 2 est erronée, et d’autre part l’interprétation
de ce c. 517 § 2 est inexacte. La charge pastorale d’un ensemble de paroisses confiées
solidairement à plusieurs prêtres revient exclusivement à ces prêtres, en raison
de leur sacerdoce ministériel, tandis que les laïcs peuvent participer – mais seulement
participer – à l’exercice de la charge pastorale. Ceci, comme le rappelle l’« Instruction
sur quelques questions concernant la collaboration des fidèles laïcs au ministère
des prêtres » (Rome, 15 août 1997, Documentation catholique, 7 décembre 1997, n°
2171, pp. 1009-
De plus, si une participation à l’exercice de la charge pastorale d’une paroisse
est confiée par l’Évêque diocésain à une communauté de personnes, c’est qu’il n’y
a pas de curé dans cette paroisse et donc l’EAP – communauté de personnes, sans doute
– n’est pas « autour du curé » puisque celui-
Une autre erreur de l’ordonnance concerne la composition de cette EAP : « En font
partie, outre le curé, 3 à 5 laïcs et les prêtres qui partagent la charge pastorale
au titre de leur nomination ». Le curé, dans le cas de cette communauté à qui est
confiée une participation à l’exercice de la charge pastorale, n’existe pas et c’est
même pour cela que la communauté a été appelée à cette participation. Il n’y a pas
de curé qui fasse partie de cette EAP. Le modérateur, quant à lui, a la mission de
diriger l’exercice de la charge pastorale. Il ne peut donc pas faire partie d’un
groupe qui n’a qu’une participation à l’exercice de sa charge pastorale. Quant aux
prêtres dont parle l’ordonnance et qui sont vraisemblablement des prêtres in solidum,
il n’en est pas fait état dans le c. 517 § 2, qui, répétons-
On relèvera aussi dans l’ordonnance qu’« un laïc est désigné au sein de l’équipe
pour en être l’animateur ». Qu’est-
Enfin ce n’est pas l’EAP qui « prend des décisions » mais le modérateur, le seul décideur – après avoir pris conseil, réfléchi et prié – dans la paroisse où une communauté de personnes a été appelée par l’Évêque diocésain à participer à l’exercice de la charge pastorale.
Un économe diocésain a parfaitement exposé ces temps-
Un économe diocésain a parfaitement exposé ces temps-
Il en va de même, toutes proportions gardées, pour le conseil pastoral de la paroisse nouvelle. Les conseils paroissiaux des paroisses supprimées n’existent plus. Si l’Évêque diocésain le juge opportun après avoir entendu le conseil presbytéral, un conseil pastoral sera constitué dans les paroisses nouvelles, selon la norme du c. 536 § 1 (voir plus haut, 1° Partie, D, L’aide apportée au curé par les laïcs).
Enfin nul ne peut ignorer l’avertissement donné par l’Instruction romaine du 15 août 1997 sur la collaboration des fidèles laïcs au ministère des prêtes. Il y a des charges (munera) propres aux fidèles laïcs parce que ces charges « sont une participation à l’unique sacerdoce du Christ », « les offices (officia), qui leur sont confiés temporairement, sont au contraire le résultat d’une délégation de l’Église. » L’Instruction précise : « Il n’est donc pas licite de faire prendre à des fidèles non ordonnés la dénomination de ‘pasteur’, d’‘aumônier’, de ‘chapelain’, de ‘modérateur’ ou autres dénominations qui, quoi qu’il en soit, pourraient confondre leur rôle avec celui du pasteur, qui est uniquement l’évêque et le prêtre. »
19 décembre 2002
Jacques Gressier
LA PAROISSE
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Lorsqu’on parle de la paroisse, de son mode de fonctionnement, ou lorsqu’on aborde
le problème du regroupement des paroisses, de la suppression de certaines paroisses,
il faut nécessairement se référer à la nature de la paroisse telle que l’indique
le c. 515 § 1 du Code de Droit Canonique, ainsi qu’au rôle du pasteur propre de la
paroisse qu’est le curé, tel que le décrit le c. 519 du Code. L’essentiel se trouve
dans ces deux canons, les autres canons du chapitre VI sur « les paroisses, les curés
et les vicaires paroissiaux » (c. 515-
C. 515 § 1 : « La paroisse est la communauté précise de fidèles qui est constituée d’une manière stable dans l’Église particulière, et dont la charge pastorale est confiée au curé, comme à son pasteur propre, sous l’autorité de l’Évêque diocésain. »
C. 519 : « Le curé est le pasteur propre de la paroisse qui lui est remise, en exerçant sous l’autorité de l’Évêque diocésain dont il a été appelé à partager le ministère du Christ, la charge pastorale de la communauté qui lui est confiée, afin d’accomplir pour cette communauté les fonctions d’enseigner, de sanctifier et de gouverner, avec la collaboration éventuelle d’autres prêtres ou de diacres, et avec l’aide apportée par des laïcs, selon le droit. »
Il ne sera pas question ici des quasi-
De même il n’est pas opportun de retracer ici l’histoire de la paroisse en Occident, malgré l’intérêt de cette étude. En ce début du XXI° siècle, en France, le regard se porte avant tout sur les paroisses actuelles de nos diocèses, où surabondent les changements, les regroupements et les réglementations.
Dans la première partie de cette étude, il sera question de la paroisse en elle-