C E D R E G I


A. Une surinterprétation possible de textes 


Il se peut que deux articles de Droit Canon puissent expliquer le choix paroissial de ne plus faire de messe de mariage systématiquement : 


Canon 528 § 2 :Le curé veillera à ce que la très Sainte Eucharistie soit le centre de l’assemblée paroissiale des fidèles ; il s’efforcera à ce que les fidèles soient conduits et nourris par la pieuse célébration des sacrements et en particulier qu’ils s’approchent fréquemment des sacrements de la très Sainte Eucharistie et de la pénitence ; il s’efforcera aussi de les amener à prier, même en famille, et de les faire participer consciemment et activement à la sainte liturgie que lui, curé, sous l’autorité de l’Evêque diocésain doit diriger dans sa paroisse, et dans laquelle il doit veiller à ce que ne se glisse aucun abus .



Il me semble qu’il peut y avoir surinterprétation des canons qui ne limitent pas l’Eucharistie à l‘Assemblée paroissiale des fidèles.


En effet, le canon 528 notamment veut probablement prévenir à raison une banalisation  de l’Eucharistie et les abus, mais surtout veut sans doute éviter la multiplication de messes pour toutes sortes de motifs inadéquats (revenus, superstition, demandes inopportunes des fidèles, sollicitude exagérée des prêtres, etc.).


Par ailleurs le canon 530 dispose simplement que la célébration eucharistique est plus solennelle le dimanche et les jours de fête d'obligation, mais ne paraît pas la limiter à ces occasions. Dans d’autres cas légitimes elle ne serait que « moins solennelle », qu’il s’agisse d’une messe de semaine ou d’une messe pour des besoins pastoraux comme les funérailles ou le mariage.


B.    Le manque de prêtres et la limitation canonique des célébrations eucharistiques 


Le choix de ne plus célébrer de messe de mariage pourrait aussi être motivé par un autre canon dans un contexte de manque de prêtres :

Canon 905 § 1. Il n'est pas permis à un prêtre de célébrer plus d'une fois par jour, sauf dans les cas où, selon le droit, il est permis de célébrer ou de concélébrer plus d'une fois l'Eucharistie le même jour.  § 2. S'il y a pénurie de prêtres, l'Ordinaire du lieu peut permettre, pour une juste cause, que les prêtres célèbrent deux fois par jour, et même, lorsque la nécessité pastorale l'exige, trois fois les dimanches et les jours de fêtes d'obligation.


Le canon 905, § 1 semble indiquer une norme générale: une célébration par jour, sauf les circonstances prévues par le droit, i.e. Jeudi saint (messe chrismale + messe de la Cène), Pâques (Vigile + le matin), Noël (trois messes), lors de la visite pastorale de l'Évêque (concélébration + messe pour le peuple), ou d'une réunion de prêtres (idem), ou pour la messe conventuelle, ou pour des besoins pastoraux précités.


Comme le canon 528, ce canon semble chercher à prévenir les abus et la multiplication de messes pour toutes sortes de motifs inadéquats. Cette norme existe depuis le XIe siècle. Le canon 905, § 2 apparaît comme une exception à la norme, en cas de pénurie de prêtres, pour des besoins pastoraux sérieux (paroisses jumelées, églises trop petites; mais pas pour la commodité des fidèles): l'Ordinaire du lieu peut permettre de biner chaque jour et de célébrer trois messes les dimanches et fêtes d'obligation. Le Code ne parle pas de quatre ou cinq célébrations par jour; il ne les défend pas, mais c'est une situation anormale à éviter.


On peut comprendre qu’en été la possibilité d’une messe de mariage dans une grande paroisse ou une grande Communauté de Paroisses ne soit pas toujours possible pour des raisons pratiques et légales.


C.    La décision du Conseil Pastoral Paroissial

       a. Le statut du Conseil pastoral Paroissial

1) Can. 536


§ 1. Si l'Évêque diocésain le juge opportun après avoir entendu le conseil presbytéral, un conseil pastoral sera constitué dans chaque paroisse, présidé par le curé et dans lequel, en union avec ceux qui participent en raison de leur office à la charge pastorale de la paroisse, les fidèles apporteront leur concours pour favoriser l'activité pastorale.


§2. Le conseil pastoral ne possède que voix consultative et il est régi par les règles que l'Évêque diocésain aura établies. 


2) Instruction sur « Quelques Questions Concernant la collaboration des fidèles laïcs au ministère des prêtres » du 15 août 1997.


« Article 5. Les organismes de collaboration dans l'Église particulière. Ces organismes, demandés et expérimentés avec fruit dans le chemin de renouvellement de l'Église selon le Concile Vatican II, et codifiés par la législation canonique, représentent une forme de participation active à la vie et à la mission de l'Église comme communion.


 § 1. La normative du Code sur le conseil presbytéral établit quels sont les prêtres qui peuvent en être membres. Il est en effet réservé aux prêtres, parce qu'il se fonde sur la commune participation de l'évêque et des prêtres au même sacerdoce et ministère. Ni les diacres ni les fidèles non ordonnés ne peuvent donc y jouir de voix active et passive, même s'ils sont collaborateurs des ministres sacrés, ni non plus les prêtres qui auraient perdu l'état clérical ou qui auraient de toute façon abandonné le ministère sacré.

§ 2. Le conseil pastoral, diocésain et paroissial et le conseil paroissial pour les affaires économiques, dont font aussi partie des fidèles non ordonnés, jouissent uniquement de voix consultative et ne peuvent en aucune façon devenir des organismes délibératifs. Ne peuvent être élus à de telles charges que les fidèles qui possèdent les qualités requises par la normative canonique.

§ 3. C'est le propre du curé que de présider les conseils paroissiaux. Par conséquent les décisions élaborées par un conseil paroissial réuni hors de la présidence du curé, voire contre lui, sont invalides, et donc nulles »


 b. La portée du Conseil Pastoral Paroissial 


Le curé de la paroisse est tout à fait libre de ne pas tenir compte de l'avis du Conseil Pastoral. En effet, comme l'indique son nom, le Conseil Pastoral n'est qu'un "conseil". Il n'est en aucun cas un "comité directeur", qui réduirait l'autorité du curé sur la paroisse qui en est l'affectataire. Évidemment, tout est question de proportion. Un curé de paroisse qui ne tiendrait jamais compte de l'avis du Conseil Pastoral aurait de quoi susciter des interrogations légitimes. Mais sur le plan du Droit de l'Église, il ne serait pas en faute.


« La voix consultative doit refléter l’ecclésiologie de communion » et en pratique « le Responsable Pastoral ne s’écartera de l’avis majoritaire que pour des raisons graves » (Cf. document « L’Église de X au Rendez-vous de l’avenir, Documents annexes, Fiche statutaire pour le redéploiement paroissial, Le Conseil Pastoral).


c. La dérive que constitue la décision de ne plus célébrer systématiquement de  la messe de mariage : le cas de la Communauté de Paroisses de Z. 


Le Père Y a expliqué que la Communauté de Paroisses de Z proposait l’alternative messe de mariage pour les fidèles catholiques ou le sacrement du mariage stricto sensu pour les catholiques moins pratiquants,  mais en laissant toujours le choix aux fiancés.  Les membres du Conseil Pastoral Paroissial il y a quelques années ont néanmoins considéré qu’il s’agissait de mariages à deux vitesses et ont décidé d’abandonner la messe de mariage plutôt que de la proposer aux uns et pas aux autres.


Le père Y a subi cette décision sur laquelle il lui est difficile de revenir personnellement car il a participé à sa collégialité, et il doit être solidaire car le prêtre n’est pas hors du débat communautaire, il y prend une part active, aussi serait il inconcevable qu’il puisse prendre le contre-pied de ses orientations, sauf si, par malheur il y avait le refus d’un Conseil de se soumettre à la règle pastorale (Cf. note de Mgr A du 16 mai 1993, « A propos des Conseils Pastoraux »).


Néanmoins la Communauté de Paroisses est aujourd’hui dans une situation inadmissible au regard des catéchèses et de textes importants qui constituent des repères pour les fidèles catholiques.


Il me semble que la décision de ce Conseil Pastoral Paroissial a été hâtive, émotionnelle, et non préparée à la lumière des catéchèses et du droit de l’Église car autrement elle n’aurait sans doute pas été prise.


Il conviendrait que le nouveau Conseil Pastoral Paroissial réexamine sans délai cette question pour que la Communauté de Paroisses de Z, qui est animée par une équipe efficace et disponible de prêtres, recouvre une situation conforme à ce que demande l’Église par la voix du Pape, des Catéchèses…


2. La légitimité  de l’Eucharistie lors de la célébration d’un mariage 


Il est vrai que l'Eucharistie (avec la communion des fidèles présents) n'est pas nécessaire au sacrement du mariage stricto sensu. Elle est célébrée en plus du sacrement lui-même si l'assistance peut y participer activement. L'absence d'Eucharistie lors d'un sacrement n'enlève donc rien, ni en durée, ni en "valeur", bien au contraire cela permet de célébrer en vérité la foi qui nous anime vraiment. La question ne porte donc pas sur une pseudo « hiérarchie » du mariage avec Eucharistie qui serait soi-disant davantage « valable » que le mariage sans Eucharistie. Il n’y a donc pas de mariage à deux vitesses comme ont pu le comprendre certains membres du Conseil Pastoral Paroissial précité. 


La question porte sur l’atteinte à la crédibilité de textes fondateurs et l’atteinte à l’unité de l’Église par des pratiques opposées aux textes et préconisations qui consacrent le principe de la messe de mariage (A.) et qui ont été confirmés par des publications à destination des fidèles (B.).


A. Les sources

 a. L’apport des Écritures 


Les liens entre mariage et Eucharistie peuvent être montrés par une lecture spirituelle de trois textes des Écritures, en particulier :


·        Les Noces de Cana (Jean 2, 1-10).


·        Le lavement des pieds (Jean 13, 1-17)


·        Éphésiens 5, 21-33.


En outre, si selon Mathieu l'amour humain est chose impossible à l'homme (Mathieu 19,26), l'Amour revisité par l'Eucharistie devient possible par l'incarnation de Dieu en nous.


      b. L’apport de Sacrosanctum Concilium (Constitution "De Sacra Liturgia", 4 décembre 1963) 


Le paragraphe 78 sur les rites du mariage dispose que «  Le mariage sera célébré ordinairement au cours de la messe, après la lecture de l'Évangile et l'homélie, avant la "prière des fidèles". L'oraison sur l'épouse, amendée de façon à souligner que les deux époux ont des devoirs égaux de mutuelle fidélité, peut se dire dans la langue du pays. » 


        c. L’apport du droit canon 


Le Droit Canon apporte des précisions en ce sens :


·        Canon 530 - Les fonctions spécialement confiées au curé sont les suivantes: (…)  


·        4. l'assistance aux mariages et la bénédiction nuptiale (…)


Le curé doit assister aux mariages, c’est à dire aider, conseiller, être présent auprès des fiancés pour les aider, mais en aucun cas les freiner ou poser des entraves à leurs souhaits dès lors qu’ils sont en conformité avec la tradition de l’Église.


 Canon 843 § 1 Les ministres sacrés ne peuvent pas refuser les sacrements aux personnes qui les leur  demandent opportunément, sont dûment disposées et ne sont pas empêchées par le droit de les recevoir. § 2. Les pasteurs d'âmes et les autres fidèles, chacun selon sa fonction ecclésiastique, ont le devoir de veiller à ce que les personnes qui demandent les sacrements soient préparées à les recevoir par l'évangélisation


Il est difficile de comprendre qu’une messe de mariage puisse être refusée. Il ne s’agit pas de banaliser l’Eucharistie, mais de veiller à ce qu’elle ait un sens pour ceux qui la demandent lors d’un mariage, et ne soit donc pas un réflexe, un usage ou du « folklore ».


Canon 1065 § 2. Pour que le sacrement de mariage soit reçu fructueusement, il est vivement recommandé aux époux de s'approcher des sacrements de la pénitence et de la très sainte Eucharistie.


Ce canon semble renvoyer clairement à l’Eucharistie comme ayant un lien avec le sacrement du mariage. Si le sacrement de pénitence doit avoir lieu préalablement au mariage de par sa nature, le sacrement de l’Eucharistie devrait avoir lieu lors d’une messe de mariage si les époux y sont préparés.


 Le principe de la messe de mariage pour le mariage de deux catholiques pratiquants est d’ailleurs   confirmé dans des textes qui ont une vocation pédagogique pour les fidèles catholiques.


      B. Les textes pédagogiques à destination des fidèles catholiques


                                            a. L’apport du Conseil Pontifical pour la famille (Document Préparation au Sacrement  de Mariage, 13 mai 1996) 


Le paragraphe 53 dispose que « Pour que le lien entre le sacrement nuptial et le mystère pascal soit plus clairement défini, la célébration du mariage est normalement insérée dans la célébration eucharistique » et le paragraphe 64, qui renvoie à Sacrosanctum Concilium , rappelle que « le mariage est ordinairement célébré pendant la messe ». 


b. L’apport du Catéchisme de l’Église Catholique (1992)


Le Catéchisme de l’Église Catholique, qui inspire notre projet de Déclaration d’Intention, dispose dans son paragraphe 1621 que  « Dans le rite latin, la célébration du mariage entre deux fidèles catholiques a normalement lieu au cours de la Sainte Messe, en raison du lien de tous les sacrements avec le Mystère Pascal du Christ. Dans l'Eucharistie se réalise le mémorial de la Nouvelle Alliance, en laquelle le Christ s'est uni pour toujours à l'Église, son épouse bien-aimée pour laquelle il s'est livré. Il est donc convenable que les époux scellent leur consentement à se donner l'un à l'autre par l'offrande de leurs propres vies, en l'unissant à l'offrande du Christ pour son Église, rendue présente dans le sacrifice eucharistique, et en recevant l'Eucharistie, afin que, communiant au même Corps et au même Sang du Christ, ils « ne forment qu'un corps » dans le Christ. »


Il est d’ailleurs significatif que le Chapitre 3ème ait pour titre « Les sacrements du service de communion » et comporte d’une part l’Article 6 : le sacrement de l'ordre, d’autre part, l’Article 7 : le sacrement du mariage. Et il ne viendrait à l’esprit de personne de dissocier l’Eucharistie du Sacrement de l’Ordre.  


c. L’apport du Catéchisme pour Adultes (1991) 


Les Évêques de France écrivent au paragraphe 474 que « La célébration du mariage est particulièrement bien située au cours d’une messe puisque l’Eucharistie est, par excellence, le sacrement de la Nouvelle Alliance » et précisent au paragraphe 475 que « L’Eucharistie demeure la nourriture de ceux qui sont engagés sur ce chemin de perfection. L’amour humain est affermi, purifié et transfiguré par le mystère de l’Alliance qui y est célébré. Vécue en couple et en famille, l’Eucharistie nourrit et soutient la marche de chacun vers la sainteté à laquelle Dieu invite tout être humain. La cellule familiale créée par le sacrement du mariage est comme un monde et une Église en miniature ou prennent forme et se développent la création et le royaume de Dieu. L’Eucharistie, source de tous les sacrements, irrigue de sa grâce l’ensemble de la vie de l’Église, cette communauté de l’Alliance nouvelle, scellée dans le sang du Christ. » 


d. L’apport de l’Exhortation Apostolique Familiaris Consortio (1981) 


Sa Sainteté le Pape Jean Paul II souligne au paragraphe 57 que « Le Concile Vatican II a voulu rappeler la relation spéciale qui existe entre l'Eucharistie et le mariage en demandant que «le mariage soit célébré ordinairement au cours de la messe»: il est absolument nécessaire de découvrir et d'approfondir cette relation, si on veut comprendre et vivre intensément les grâces et les responsabilités du mariage et de la famille chrétienne » et précise que « L'Eucharistie est la source même du mariage chrétien ». 


Il s’ensuit que le refus de célébrer l’Eucharistie lors d’un mariage      

      - entre deux catholiques pratiquants,


      -  faisant une préparation au mariage au delà du « minimum » (retraites pour notamment découvrir et approfondir la relation entre l’Eucharistie et le mariage…) ,


      -  engagés dans des mouvements d’église,


      -  au service de leur paroisse,


         -   et dont les familles sont de surcroît pratiquantes,


ne peut que bouleverser des fiancés dans leur préparation au mariage et plus généralement affaiblir la portée de l’enseignement de l’Église qui semble bafoué 


Il est à craindre que le non respect par certains Conseils Pastoraux Paroissiaux de principes fondateurs ne conduise au désengagement de fidèles perdant leurs repères et leur foi en l’enseignement de l’Église.


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LE MARIAGE


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THEME n° 1 


LE MARIAGE ET LA MESSE DE MARIAGE 


Note rédigée par un correspondant de Cedregi et insérée dans le site avec son accord,

sous le titre donné par l’auteur. 



RAPPORT SUR L’ILLÉGALITÉ AU REGARD DU DROIT DE L’ÉGLISE DE NE PLUS CELEBRER

SYSTEMATIQUEMENT DE MESSE DE MARIAGE 


Auteur : Jérôme Turquey

Membre du MCC 


Le présent rapport prend les précautions d’usage pour interpréter et commenter les textes l’auteur n’étant pas certifié en Droit de l’Église. Il s’agit de réflexions d’un catholique engagé qui s’est interrogé sur la situation pour l’Église Catholique provoquée par un choix pastoral au sujet de la messe de mariage dans une Communauté de Paroisses. 


Le choix pastoral paroissial de ne plus célébrer de messe de mariage systématiquement résulte d’une mauvaise compréhension du droit de l’Église (1) et place hors la loi de l’Église les paroisses qui prennent une telle décision (2). 


1. L’origine D’UN TEL choix pastoral PAROISSIAL 


Outre le fait que l’absence de messe de mariage peut résulter d’une surinterprétation de texte (A.) ou du manque de prêtres (B.), un Conseil Pastoral Paroissial n’a en tout état de cause pas compétence pour décider la suppression des messes de mariage (C.).