C E D R E G I



L’Eglise, c’est le Peuple de Dieu, c’est le Corps mystique du Christ auquel est incorporé le chrétien par son baptême. Par cette incorporation, tout chrétien, qu’il soit laïc, prêtre ou évêque, est appelé à participer à l’évangélisation, c’est-à-dire qu’il doit contribuer, d’une part à porter aux autres le message du Christ et sa grâce, et d’autre part à imprégner de l’esprit de l’Evangile le monde et toutes ses activités temporelles. Cette participation de tous les chrétiens à l’évangélisation est une nécessité inscrite dans la nature même du peuple de Dieu. Elle est donc de tous temps, elle n’est pas née de la situation actuelle de l’Eglise même si – c’est évident – la déchristianisation et la raréfaction du nombre des prêtres ont rendu plus vive son « ardente obligation » pour les fidèles laïcs. 


Toutefois, « dans ce vaste domaine, où le travail spécifiquement spirituel ou religieux et la ‘consécration du monde’ vont de concert, il existe un champ particulier, celui qui concerne le ministère sacré du clergé. » Le problème auquel veut répondre l’Instruction est précisément l’aide que peuvent apporter les laïcs, hommes et femmes, à l’exercice de ce ministère sacré. D’une part en effet, « la Hiérarchie confie aux laïcs certaines tâches qui sont plus intimement liées aux devoirs des pasteurs, comme dans la proposition de la doctrine chrétienne, dans certains actes liturgiques ou dans le soin des âmes », mais d’autre part ces tâches demandent aux laïcs qui y sont impliqués de bien préserver deux aspects fondamentaux de leur situation de fidèles et de la situation des prêtres, à savoir « la nature et la mission du ministère sacré » ainsi que « la vocation et le caractère séculier des fidèles laïcs ». Et l’Instruction proclame avec force une vérité sur laquelle elle insistera : « Collaborer ne signifie pas se substituer ».


 L’avant-propos se termine par quelques remarques, qui ont leur importance. 






 PREMIERE PARTIE. – PRINCIPES THEOLOGIQUES 


I. Le sacerdoce commun et le sacerdoce ministériel 


« Le Christ Jésus, Souverain et Eternel Prêtre, a voulu que son unique et indivisible sacerdoce soit participé par son Eglise. » 


Toutefois, « alors qu’a cours entre tous (les baptisés) une véritable égalité quant à la dignité et l’action commune à tous les fidèles concernant l’édification du Corps du Christ, certains sont constitués, par volonté du Christ, docteurs, dispensateurs des mystères et pasteurs pour les autres. Le sacerdoce commun des fidèles et le sacerdoce ministériel ou hiérarchique, bien qu’ils diffèrent selon l’essence et non seulement de degré, sont cependant ordonnés l’un à l’autre. […] Par le sacerdoce ministériel, les prêtres ont reçu du Christ, par l’Esprit, un don spécial, afin de pouvoir aider le peuple de Dieu à exercer fidèlement et pleinement le sacerdoce commun qui lui est conféré » […] Par conséquent « le sacerdoce ministériel diffère essentiellement du sacerdoce commun des fidèles parce qu’il confère un pouvoir sacré pour le service des fidèles. » 


Les caractéristiques qui différencient le sacerdoce ministériel des évêques et des prêtres du sacerdoce commun des fidèles, tracent […] aussi, constate l’Instruction, « les limites de la collaboration de ceux-ci au ministère sacré » : 


a)      « Le sacerdoce ministériel a sa racine dans la succession apostolique, et est doté d’un pouvoir sacré, lequel consiste dans la faculté (le pouvoir sacré) et la responsabilité d’agir in persona Christi Capitis et Pastoris. » (Note : Il est très difficile de traduire ‘in persona Christi’. Cela ne signifie pas ‘en la personne du Christ’, mais, si l’on peut ainsi parler, ‘en revêtant la personne du Christ’, ‘en agissant à la place et au nom du Christ qui est le véritable acteur’, ‘en agissant alors que le Christ invisible se substitue au prêtre visible’ etc. Il est donc préférable de laisser l’expression en latin).


b)     « Le sacerdoce ministériel fait des ministres sacrés les serviteurs du Christ et de l’Eglise, par le moyen de la proclamation avec autorité de la parole de Dieu, de la célébration des sacrements et de la conduite pastorale des fidèles. »

II. Unité et diversification des tâches ministérielles 


« Les fonctions du ministère sacré […] sont toujours, sous divers aspects, un exercice du rôle du Christ Tête de l’Eglise. »

 « Ce n’est que pour certaines d’entre elles, et dans une certaine mesure, que d’autres fidèles non-ordonnés peuvent coopérer avec les pasteurs, s’ils sont appelés à cette collaboration par l’autorité légitime et selon les modalités requises. » 

            « L’exercice d’une telle fonction ne fait pas du fidèle laïc un pasteur : 


en réalité, ce qui constitue le ministère, ce n’est pas l’activité en elle-même, mais l’ordination sacramentelle. Seul le sacrement de l’Ordre confère au ministre ordonné une participation particulière à la fonction du Christ, Chef et Pasteur, et àAson sacerdoce éternel. La fonction exercée en tant que suppléant tire sa légitimité formellement et immédiatement de la délégation officielle reçue des pasteurs et, dans l’exercice concret de cette fonction, le suppléant est soumis à la direction de l’autorité ecclésiastique. » 


L’Instruction insiste sur ce point parce que, dit-elle, certaines pratiques ont fait perdre le véritable caractère du sacerdoce commun des fidèles et favorisent par là-même la diminution des candidats au sacerdoce.

 III. Caractère irremplaçable du ministère ordonné 


« Une communauté de fidèles, pour pouvoir être appelée Eglise et pour l’être vraiment, ne peut faire découler sa direction de critères d’organisation associative ou politique […] L’exercice de la fonction de magistère et de gouvernement requiert en effet sa détermination canonique ou juridique de la part de l’autorité hiérarchique. » 


« Le sacerdoce ministériel est par conséquent nécessaire à l’existence même de la communauté en tant qu’Église […] (Il) est absolument irremplaçable. » 


IV. La collaboration de fidèles non-ordonnés au ministère pastoral 


« Lorsque la nécessité ou l’utilité de l’Église l’exigent, les pasteurs peuvent, selon les normes établies par le droit universel, confier aux fidèles laïcs certaines fonctions connexes à leur propre charge de pasteurs, mais qui n’exigent pas le caractère de l’Ordre. » 


Et l’Instruction, en concluant cette première partie, demande aux pasteurs de mettre fin aux transgressions et abus éventuels, afin d’éviter qu’il soit porté « dommage à la bonne compréhension de la nature même de l’Église », tant il est vrai que « la communion […] ne peut se bâtir exclusivement qu’autour de la vérité. » 

DEUXIÈME PARTIE. – DISPOSITIONS PRATIQUES 


Article 1. Nécessité d’une terminologie appropriée


Spécialement en théologie et en droit, le problème est presque résolu lorsque le mot qui fait difficulté a trouvé sa définition précise. Or, constate l’Instruction, le mot « ministère » est trop souvent employé de façon confuse. On l’utilise fréquemment non seulement pour désigner les offices (officia) et les charges (munera) exercés par les ministres ordonnés, mais encore pour désigner les fonctions exercées par des fidèles non-ordonnés en vertu de leur sacerdoce baptismal. Certes il y a des charges (munera) propres aux fidèles laïcs parce que ces charges « sont une participation à l’unique sacerdoce du Christ. » « Les offices (officia), qui leur sont confiés temporairement, sont au contraire le résultat d’une délégation de l’Église. » 


« Il n’est donc pas licite de faire prendre à des fidèles non-ordonnés la dénomination de ‘pasteur’, d’ ‘aumônier’, de ‘chapelain’, de ‘coordinateur’, de ‘modérateur’ ou autres dénominations qui, quoi qu’il en soit, pourraient confondre leur rôle avec celui du pasteur, qui est uniquement l’évêque et le prêtre. » 


Il est donc illicite, parce que contraire à la « différence ‘d’essence et pas seulement de degré’ qui existe entre le sacerdoce baptismal et le sacerdoce ordonné », de nommer des laïcs comme « responsables de secteur », même si, dans ce cas, un prêtre est nommé modérateur de l’équipe pastorale du secteur. (Il faudra d’ailleurs étudier, dans un autre thème du droit régiminal de l’Eglise, les termes de secteur, responsable, animateur – ce dernier, dans certains diocèses, s’étant ajouté à celui de responsable en cas de pluralité de responsables dans un secteur -. Pour le terme de modérateur, voir le thème « Le modérateur de la charge pastorale »). Le droit diocésain peut certes créer des structures canoniques, mais en harmonie avec le droit général de l’Eglise et en accord avec le c. 135 § 2 qui prescrit qu’ « une loi contraire au droit supérieur ne peut être validement portée par un législateur inférieur ». 


Article 2. Le ministère de la parole 


« Le contenu de ce ministère consiste en la prédication pastorale, la catéchèse et tout l’enseignement chrétien, au sein duquel l’homélie liturgique doit avoir une place privilégiée ». 


L’exercice premier des fonctions liées à ce ministère est le propre de l’évêque diocésain, des prêtres qui sont ses coopérateurs et des diacres en communion avec l’évêque. Les fidèles non-ordonnés, en tant que participants à la fonction prophétique du Christ, sont appelés à collaborer à l’exercice de ce ministère, surtout par la catéchèse. 


En ce qui concerne la prédication dans les églises, les fidèles non ordonnés peuvent y être admis (admitti possunt) :


-         « si le besoin le requiert en certaines circonstances,

-          si l’utilité le suggère dans des cas particuliers,


-          selon les dispositions de la conférence des évêques » (c. 766), ces dispositions devant avoir la ‘reconnaissance’ (recognitio) du Siège Apostolique (c. 455 § 2). 


Article 3. L’homélie 


« Durant la célébration de l’Eucharistie, l’homélie doit être réservée au ministre sacré, prêtre ou diacre. Les fidèles non-ordonnés en sont exclus. » 


Article 4. Le curé et la paroisse 


C. 517 § 2 : « Si, à cause de la pénurie de prêtres, l’Evêque diocésain estime qu’une participation à l’exercice de la charge pastorale d’une paroisse doit être confiée à un diacre ou à une autre personne non revêtue du caractère sacerdotal, ou encore à une communauté de personnes, il constituera un prêtre qui, muni des pouvoirs et facultés du curé, sera le modérateur de la charge pastorale. » (Cf. thème « Le modérateur de la charge pastorale »). 


L’Instruction note que cette mesure exceptionnelle ne peut intervenir que : 


-         « à cause de la pénurie de prêtres, et non pas pour des raisons de commodité ou d’une équivoque ‘promotion du laïcat », etc. 


-         il s’agit d’une ‘participation à l’exercice de la charge pastorale’ et non de diriger, coordonner, gouverner la paroisse ; chose qui, selon les termes mêmes du canon, ne revient qu’à un prêtre. » 



Article 5 Les organismes de collaboration dans l’Église particulière 


1)     « Le conseil presbytéral est réservé aux prêtres, parce qu’il se fonde sur la commune participation de l’évêque et des prêtres au même sacerdoce et ministère. » 


2)      « Le conseil pastoral, diocésain et paroissial, et le conseil paroissial pour les affaires économiques, dont font aussi partie des fidèles non-ordonnés, jouissent uniquement de voix consultative et ne peuvent en aucune façon devenir des organismes délibératifs » (cf. thème « Le curé et l’administration des biens de sa ou de ses paroisses »). 


3)      Les évêques peuvent créer des groupes d’étude ou d’experts, mais « ceux-ci ne peuvent devenir des organismes parallèles, ou vidant de leur sens les conseils diocésains presbytéraux et pastoraux, comme aussi les conseils paroissiaux, (qui) sont régis par le droit universel de l’Eglise » (Conseil presbytéral, c. 495-502 ; conseil pastoral, c. 511-514 ; conseil paroissial, c. 536 ; conseil paroissial pour les affaires économiques, c. 537). 


4)      « Les vicaires forains, appelés aussi doyens, archiprêtres ou autres, et ceux qui en tiennent lieu […] doivent toujours être prêtres » 


Article 6. Les célébrations liturgiques 


« Dans la célébration eucharistique il n’est pas permis aux diacres et aux fidèles non-ordonnés de prononcer les oraisons ni toute autre partie réservée au prêtre célébrant – surtout la prière eucharistique avec sa doxologie conclusive -. » 



Article 7. Les célébrations dominicales en absence du prêtre 


« De telles célébrations, dont les textes doivent toujours être ceux approuvés par l’autorité ecclésiastiquecompétente, se présentent toujours comme des solutions temporaires. » 


« Il faut toujours redire à ceux qui participent à ces célébrations qu’elles ne remplacent pas le Sacrifice eucharistique, et qu’on n’accomplit le précepte de sanctifier les fêtes qu’en participant à la Messe. »



Article 8. Le ministre extraordinaire de la Communion 


« Le ministre ordinaire de la sainte Communion est l’évêque, le prêtre et le diacre. »


Un fidèle non-ordonné peut être député comme ministre extraordinaire par l’évêque diocésain ou, « dans des cas exceptionnels ou imprévisibles », désigné au cas par cas par le prêtre qui préside la célébration eucharistique. 


L’Évêque diocésain est invité à « édicter des normes particulières qui, en étroite harmonie avec la législation universelle de l’Église, règlent l’exercice de cette charge ». 


Article 9. L’apostolat des malades 


« La doctrine théologiquement certaine et la pratique séculaire de l’Eglise (désignent le prêtre) comme l’unique ministre valide » du Sacrement des malades. 


Article 10. L’assistance aux mariages 


En ce qui concerne la délégation de fidèles non-ordonnés pour assister aux mariages, l’évêque diocésain ne peut la concéder « que dans les cas où prêtres et diacres font défaut, et seulement après avoir obtenu pour son diocèse l’avis favorable de la Conférence des évêques, ainsi que la permission nécessaire du Saint-Siège ». 


Article 11. Le ministre du baptême 


Outre le cas de nécessité, le fidèle non-ordonné peut, « là où le besoin de l’Eglise le demande par défaut de ministre », être ministre extraordinaire du baptême (c. 230 § 3). 


Article 12. La conduite de la célébration des funérailles ecclésiastiques 


« Les fidèles non-ordonnés ne peuvent guider les funérailles ecclésiastiques que dans le cas d’un vrai manque de ministre ordonné, et en observant les normes liturgiques en la matière. Ils devront être bien préparés pour cette tâche, doctrinalement et liturgiquement. » 


Article 13. Nécessité d’un discernement et d’une formation adéquate 


« On ne peut […] admettre à l’exercice des tâches (indiquées dans les articles précédents) les catholiques qui ne mènent pas une vie digne, ou qui se trouvent dans des situations de famille contredisant l’enseignement moral de l’Eglise. De plus, ils doivent posséder la formation requise pour accomplir convenablement la fonction qui leur sera confiée. » 



CONCLUSION 



« Il faut faire comprendre que (les directives de cette Instruction) ne naissent pas de la préoccupation de défendre des privilèges cléricaux, mais de la nécessité d’obéir à la volonté du Christ, en respectant la forme constitutive qu’il a imprimée de façon indélébile à son Église. »



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En ce qui concerne le Centre d’études du Droit régiminal de l’Eglise (Cedregi), et pour que, selon le vœu final de l’Instruction, « la communion soit une réalité effective dans le chemin quotidien de la communauté tout entière », les sujets abordés par le texte romain seront repris et commentés de façon plus large que présentement. Les thèmes ainsi traités seront insérés dans le site, au fur et à mesure évidemment des possibilités offertes par les circonstances et des concours qui seront apportés.



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Cedregi, 15 août 2001


appel00.pdf


LES LAÏCS DANS L’ÉGLISE

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THEME n° 1


LA COLLABORATION DES LAÏCS AU MINISTÈRE DES PRÊTRES


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Instruction


sur quelques questions concernant la collaboration


des fidèles laïcs au ministère des prêtres


Rome, 15 août 1997


Documentation catholique, 7 décembre 1977, n° 2171, pp. 1009-1020


(Eléments essentiels du texte, et bref commentaire)


Avant-propos


« Il découle du mystère de l’Eglise que tous les membres du Corps mystique sont appelés à participer activement à la mission et à la construction du Peuple de Dieu, dans une communion organique des divers ministères et charismes. » 


[…] « Il faut avoir à l’esprit l’urgence et l’importance de l’action des fidèles laïcs pour le présent et l’avenir de l’évangélisation. […] Il y a en effet une collaboration de tous les fidèles dans chacun des deux domaines de la mission de l’Eglise : tant dans la sphère spirituelle pour porter aux hommes le message du Christ et sa grâce, que dans la sphère temporelle pour imprégner et perfectionner l’ordre des réalités du monde de l’esprit de l’Evangile. » 


Conception site : pierrezeiher@sfr.fr                                                                                                               Mise à jour  23 mars 2013